Les tableaux de bord sont-ils utilisés ? (et comment pourraient-ils l’être davantage)

Graphique Waterfall

L’idée qu’une image, un graphique, représente mieux une information qu’une colonne de chiffres dans une feuille Excel n’est pas nouvelle et semble désormais acquises. Les courbes montrent mieux l’évolution d’un chiffre d’affaires que des cellules dans un tableur. Les graphiques « secteurs » permettent de saisir d’un coup d’oeil les proportions de vente entre régions, les graphiques « cascade » expliquent visuellement les écarts entre années, etc.

Les tableaux de bord dans le domaine de la gestion existent maintenant depuis des dizaines d’années mais, contrairement à ce que l’on peut imaginer, ils ne sont pas beaucoup utilisés comme outil de pilotage. Pourquoi ? Que manque-t-il pour qu’ils deviennent un outil incontournable ?

Avant toute chose, il convient d’évoquer les bénéfices des tableaux de bord en tant que moyen de restitution de données décisionnelles :

  • Les données proviennent de sources multiples et sont affichées à un seul endroit
  • Les données ont été préparées, ce qui permet une analyse simple et rapide
  • Les données ont été nettoyées, ce qui permet une compréhension des utilisateurs
  • Les données sont accessibles selon les autorisations, ce qui garantit confidentialité et sécurité
  • Les mêmes données sont disponibles pour tous à un seul endroit, ce qui évite les malentendus et discussions
  • Des références permettent des analyses comparatives (budget, années antérieures, benchmark…)
  • Les données peuvent être représentées de différentes manières selon le profil de l’utilisateur

Les tableaux de bord, comme outil d’analyse de ces données, bénéficient des traitements effectués en amont. Cependant, ils sont souvent moins utilisés que les rapports croisés, en web ou dans Excel, car ils présentent plusieurs défauts qui les rendent moins efficaces dans la durée.

Pour tirer profit des avantages des tableaux de bord durablement, ceux-ci doivent être une porte d’entrée à la donnée, et non un affichage monolithique de graphiques. Voici quelques qualités qui permettent aux tableaux de bord une utilisation forte et durable :

Adaptable

Le problème des solutions de tableaux de bord classiques est de nécessiter de longues périodes de mise en oeuvre. Un projet passe dans ce cas par l’identification des indicateurs de performance (Kpis), le chargement des données et la création de tableaux de bord selon la forme de représentation adéquate.

Le tableau étant ainsi créé est partagé, en considérant que le besoin est couvert, au prix parfois de longues semaines de travail. Le projet peut être un succès lors de la mise en production, mais en réalité c’est sur la durée qu’on pourra en juger.

Stabiliser la définition des Kpis dans le temps est certes une bonne chose, à des fins de comparaison et de partage, mais leur choix, les éléments de comparaison, le mode de représentation, etc, évoluent constamment. Si l’on se concentre par exemple sur un canal de distribution pendant un temps, un autre peut être un point d’attention à un autre moment.

L’une des priorités des solutions de reporting est de pouvoir s’adapter aux nouveaux enjeux. Un tableau de bord rigide sera progressivement délaissé et remplacé par des exports de données dans Excel et ses graphiques.

Autonomie

L’aspect « bloc monolithique » des tableaux de bord, et la lourdeur des solutions classiques, amenaient à créer les  tableaux de bord par profil. Chacun devait donc utiliser le même tableau, qui n’évoluait que rarement, à grands coups de projets.

C’est sans doute ce qui a conduit à s’en éloigner beaucoup d’utilisateurs. Les solutions doivent permettre au contraire à chacun de créer son propre tableau de bord en parfaite autonomie, selon ses besoins, ou d’utiliser des tableaux partagés si on le souhaite.

C’est souvent une promesse faite par les éditeurs, mais qui est rarement tenue car, à l’usage, on découvre des obstacles divers, tels que :

  • Impossibilité de modifier soi-même du fait de la forte technicité
  • Il faut des licences couteuses de type « administrateur » si l’on veut modifier les dashboards
  • Impossibilité d’ajouter des écarts personnalisés pour des raisons de performances ou de volume
  • Limitation dans les analyses possibles (pas de cumul temporel, de comparaison de version, de filtres…)
  • Impossibilité de charger ses propres données de comparaison
  • Obligation d’écrire des scripts complexes pour afficher un calcul

Sans cette autonomie, chaque modification doit passer par les services informatiques ou des experts externes, ce qui implique un coût et un manque de réactivité rédhibitoires.

Exemple de dashboard Adaptive Insights

Exemple de dashboard, par Adaptive Insights

Exploration

Un autre défaut des tableaux de bord classiques est de présenter les indicateurs pré-calculés, sans pouvoir analyser les données qui les composent. Pourtant, si le taux de croissance du chiffre d’affaires est de -2%, on s’interroge évidemment sur la cause ! Plusieurs méthodes sont désormais possibles pour ce faire, qu’il s’agisse de naviguer sur les graphiques ou d’explorer le détail des données.

La navigation consiste à modifier dynamiquement l’aspect du graphique pour afficher les données sous une autre forme, ou bien de prendre l’un des montant et d’afficher dans un autre graphique les composantes de celui-ci. En continuant cette analyse descendante on finit par obtenir le détail le plus fin disponible tel que les pièces comptables ou les calculs budgétaires.

Pour ce faire, il ne faut pas être limité par les possibilités du système pour explorer librement les données affichées. Si l’on ne peut faire cette analyse descendante que d’une seule manière, sur un seul chemin, l’analyse s’en trouve limitée. Par exemple, dans un cas on voudra faire une analyse de type région -> produit -> client, mais dans un autre cas, ce sera client -> produit. Or, nombre de solutions aujourd’hui ne permettent pas de faire cette analyse librement au travers de tous les axe disponibles.

L’exploration du détail est une autre approche qui consiste à obtenir toutes les données qui constituent l’indicateur pour, par exemple, l’exporter dans Excel.

Action

La solution doit permettre de combiner l’analyse et l’action. Toutes les tâches n’ont pas besoin pour autant d’être « outillées », à la suite de l’analyse. Mais certaines sont directement associées aux données analysées. Notons par exemple, à partir du tableau de bord :

  • Ajouter un commentaire associé à un graphique ou un indicateur
  • Redescendre jusqu’à la feuille où se trouve un budget pour le comprendre ou le modifier
  • Envoyer un message avec une mention sur un indicateur
  • Partager une graphique avec plusieurs utilisateurs
  • Organiser une réunion autour d’un graphique ou d’un tableau de bord
  • Présenter des graphiques en mode présentation (sans passer par powerpoint) et naviguer en temps réel
  • Effectuer une transaction opérationnelle (passer une commande, relancre un fournisseur, etc)

Bien entendu, l’une des actions possibles sera aussi de modifier le tableau de bord pour qu’il réponde aux vraies attentes !

Ouverture sur l’inconnu

Le défaut d’un tableau de bord, tout comme un moteur de recherche, est de ne répondre qu’à la question posée. Vous ne trouvez que ce que vous recherchez, et s’il y a le feu ailleurs, vous ne le voyez pas immédiatement. La solution qui consiste à afficher une multitude d’indicateurs n’est pas meilleure car elle finit par noyer l’essentiel. Utiliser un indicateur global n’est pas plus utile, car un effet positif compensé par un effet négatif donnera toujours un indicateur nul.

Alors comment obtenir de l’information sur un sujet qu’on ne cherche pas mais qui est majeur ? Certaines expériences de machine learning apparaissent, et laissent penser que bientôt des « agents décisionnels » exploreront eux-mêmes les données pour alerter sur une variation anormale de certains indicateurs sur des périmètres variés.

Une autre méthode concerne l’analyse de proche en proche. Le système propose des analyses similaires aux analyses précédentes, un peu comme le font les sites de commerce où, lorsque vous achetez un voyage vers une destination, il vous propose ensuite spontanément des livres sur cette destination.

Enfin, une méthode plus subtile concerne le hasard. On a démontré que le hasard pouvait parfois conduire, par exemple, à rentabiliser bien mieux un portefeuille de placements que le plus aguerri des analystes. Proposer des analyses de manière aléatoires peut mettre l’accent sur un sujet inédit mais digne d’attention.

 

En conclusion, donner à l’utilisateur la souplesse pour personnaliser son tableau, explorer librement les données, puis agir collaborativement à la lumière des informations étudiées, est un moyen efficace de développer l’utilisation des tableaux de bord en entreprise. Une prochaine étape consistera à laisser les systèmes nous informer directement des indicateurs à suivre compte tenu de la stratégie et du périmètre d’action des utilisateurs.

About the Author

Laurent Allais
Laurent ALLAIS est expert en solutions d'élaboration budgétaire, business intelligence et pilotage des performances (EPM - FP&A), avec plus de 25 ans d'expérience dans ce domaine. Il intervient dans la mise en oeuvre de Workday Adaptive Planning, leader mondial des solutions cloud EPM et Financial Planning & Analysis. Après avoir fondé Artens et dirigé l'activité SAP BI-EPM de Viséo, il fonde Alsight en 2012, premier spécialiste d'Adaptive Planning en France. Alsight a rejoint Génération Conseil en 2019 dont il a dirigé l'activité Adaptive Planning pendant 4 ans, avant de rejoindre comme associé la société Adapt1Solution, désormais première société de conseil française spécialisée sur Workday Adaptive Planning. Il est intervenu chez plus de 60 clients autour des projets BI et EPM (FP&A), dont Renault, PSA, AGF, Embraer, Airbus, UCPA, ClubMed, Mega International, Pernod-Ricard, Euronext, Infovista, Véolia, Lizéo, Elitechgroup, Roquette, Pimkie, Chanel, L'Oréal, etc... Contact : Laurent.allais@expandbi.com