Piloter les performances d’une société de prestation intellectuelle ou de conseil

piloter les performances

Le pilotage des performances est devenu essentiel pour toutes les entreprises. Il s’agit de bénéficier d’une meilleure visibilité sur les activités passées et futures pour agir au plus tôt dans le sens de la pérennité et du développement de l’entreprise.

En particulier, pour une entreprise de conseil, cela consiste à prévoir l’activité, affecter les ressources adéquates et constater les résultats obtenus afin d’orienter de nouveau les choix. La spécificité réside notamment dans la charge allouée aux réponses aux appels d’offre et aux commandes, comparées avec celles affectées aux missions facturées. L’existence de projets sur plusieurs années peut rendre de surcroît le pilotage financier plus complexe.

Organiser l’information

L’information permettant d’effectuer ce pilotage est présente dans toute l’entreprise, dans les systèmes informatiques mais aussi sous forme de fichiers, stockées dans les serveurs ou dans le cloud. Analyser l’information requiert en premier lieu de structurer l’information, ce qui consiste à la rendre facilement stockable, compréhensible et exploitable.

L’avantage de l’utilisation des fichiers de type Excel est la souplesse pour des besoins simples et les possibilités de mise en forme. Mais ils s’avèrent rapidement lourds et complexes dès lors qu’on veut travailler de manière collaborative ou si l’on a besoin de partager ou d’analyser cette information.

L’exemple typique d’un «  classement  » très structuré consiste dans les systèmes comptables  : chaque pièce est enregistrée sous un numéro, avec une nature (le compte comptable), une date, etc. Si les systèmes comptables sont utilisés dans les entreprises, il ne le sont pas à des fins de pilotage car leur présence répond à des objectifs légaux, en particulier donner une image de la santé financière de l’entreprise pour les tiers et calculer le bénéfice imposable.

Organiser l’information consiste donc dans un premier temps à adapter les systèmes déjà présents afin de répondre mieux aux besoins de traçabilité et d’analyse des indicateurs de performance. Il s’agira de connaitre les revenus et charges par nature, par centre analytique responsable de la dépense, mais aussi par client, fournisseur, mission, etc.

L’information doit avoir une source unique, fiable et reconnue, ce qui lui donne toute sa valeur. Organiser l’information consiste aussi à remplacer des feuilles Excel par des outils permettant de mieux travailler à plusieurs sur des données partagées et spécialisées. A titre d’exemple le temps passé sur chaque projet ou en avant-vente doit être suivi avec un outil dédié pour partager une vision commune de l’efficacité commerciale et de la rentabilité globale sur chaque projet.

La démarche d’organisation de l’information passe par une étape de création d’une classification au travers de grandes « dimensions ». Nous aurons par exemple, selon les domaines considérés :

  • Les revenus : nature, client, type de prestation, client, région, nature de projet…
  • Les charges : nature, fournisseur, projet client ou interne, éligible au CIR ou non etc…
  • Les salaires : individu (et donc fonction, tranche d’age…), catégorie de rémunération, etc
  • Les investissements : nature, fournisseur…

Pour toutes ces dimensions, on établira une liste « valeurs » possibles ainsi que la procédure de mise à jour de cette liste et le système « maître ». Elles permettront de mieux classer les informations gérées dans l’entreprise, pour mieux les analyser.

Par exemple, parmi les natures de charges du plan de comptes, le compte ayant le nom de «  sous-traitance  » ne suffira pas à détailler des cas de figure très hétérogènes. Il peut donc être utile de créer de nouveaux comptes pour mieux suivre les dépenses. Cette démarche de classification de l’information est essentielle. Elle dépend des points sur lesquels le pilotage portera en priorité et conditionne le niveau d’analyse du réalisé et des prévisions.

Le cycle du pilotage

cycle du pilotage des performancesPar cycle de pilotage on entend la succession des étapes suivantes :

  • Prévoir l’activité des mois ou années à venir compte tenu de certaines hypothèses sur le marché et de notre offre
  • Simuler l’affectation des ressources et des choix stratégiques pour évaluer le résultat financier
  • Décider l’affectation de ressources et les choix organisationnels
  • Analyser le réalisé et comparer avec la prévision

Ce cycle occupe une place importante au moment du processus budgétaire où chacun est mis à contribution pour construire une vue chiffrée de l’avenir. De plus en plus, on perçoit cependant les avantages de la démarche dite de «  rolling forecast  ». Dans ce cas, il n’est pas question de faire une prévision une fois par an, suivie de re-prévisions ayant pour unique cible la fin de l’année, mais de faire des prévisions plus fréquentes avec un horizon glissant.

Ainsi, tous les deux mois, par exemple, on prévoit la cible à 12 mois. Cela permet de garder une visibilité sur un horizon constant tout en supprimant la lourdeur d’une procédure budgétaire annuelle. Dans tous les cas, certaines bonnes pratiques sont à respecter pour permettre la meilleure prévision possible :

  • Utiliser un niveau de précision qui facilite la réactivité, selon le domaine (exemple : les salaires par personne, mais les dépenses générales par grandes natures de coûts).
  • Faire intervenir chacun sur les indicateurs fonctionnels qu’il maîtrise (le taux d’affectation, le taux journalier moyen, la probabilité de victoire sur un appel d’offre, les revenus par projet) sur son périmètre, et non leur traduction comptable en euros.
  • Automatiser autant que possible les calculs. Les calculs doivent rester simple même si le résultat est moins précis; le niveau de précision du résultat n’a pas besoin de se mesurer à l’euro près si cela ne change pas les décisions qui seront prises.
  • Gérer le processus pour avoir une visibilité des tâches effectuées par personne.
  • Utiliser une solution informatique simple et flexible, notamment pour accélérer la collecte et la consolidation.

En conséquence, chaque intervenant pourra contribuer à la prévision sur son périmètre dans chacun des domaines suivants, sans pour autant trop alourdir sa charge de travail :

  • Paramètres d’activité  : taux journalier moyen théorique, taux d’affectation facturé, frais de déplacement par métier…
  • Perspectives commerciales, avec le détail du client, des jours affectés par séniorité et des montants facturables mois par mois (y compris sur plusieurs années), probabilité de victoire et statut actuel
  • Salaires, bonus et présence par salarié, avec calcul des salaires chargés, du revenu individuel et du coût par jour. Le poste de dépense principal étant les salaires, une attention particulière sera portée sur ce sujet avec l’appui des RH.
  • Dépenses générales (cotisations, marketing, loyer…) et autres revenus avec le détail des projets affectés ou des natures de revenus et de coûts.
  • Investissements avec coût unitaire et justification.

 On gardera à l’esprit que cette démarche a pour objectif essentiel de donner des perspectives chiffrées et de prendre les meilleures décisions possibles en comparant les résultats des hypothèses. Grâce au modèle de simulation on répondra par exemple aux questions suivantes en très peu de temps :

  • Quel est le chiffre d’affaire prévisionnel et la marge ?
  • Quel est le coût journalier par personne ?
  • Quel doit être le taux d’affectation facturable pour garantir une couverture des coûts salariaux ?
  • Combien de jours seront disponibles (ou nécessaires) si l’on compare les équipes et les projets potentiels ?
  • Combien de personnes dois-je recruter ou dois-je prendre en sous-traitance ?

La prévision de trésorerie

Ces informations permettent de constituer le compte de résultat. Le bilan est ensuite calculé automatiquement à partir d’hypothèses financières (délais moyen de paiement, taux de TVA, etc). La prévision ne serait pas complète sans une estimation du niveau de trésorerie prévisionnel.

Ici, il ne s’agit pas simplement de prendre en compte l’encaissement des factures en cours, mais bien d’estimer la trésorerie à plus long terme avec la prise en compte du résultat prévisionnel complet et du bilan. Grâce à un modèle de prévision complet il est possible de faire varier les différents paramètres tels que le niveau des emprunts, les jours de crédit client ou la distribution des dividendes.

On répondra par exemple aux questions suivantes :

  • Comment couvrir les décaissements courants compte tenu des délais de paiement ?
  • Quelles sont les meilleures solution de financement pour développer l’activité ou financer les travaux en cours ?
  • Quelle est la part du chiffre d’affaires qui devrait être encaissée ?
  • Quel est l’impact sur mon résultat et sur ma trésorerie des augmentations de salaire, de la perte d’un client ou de changements dans la réglementation et la fiscalité ?

Mesurer la performance de l’entreprise

L’évaluation de la performance de l’entreprise est réalisée via les indicateurs de performance. Ils sont propres à chaque métier et doivent être comparés avec une référence fiable pour leur donner du sens. Cette référence peut être le même indicateur les années passées, au budget ou bien une référence connue sur le marché (« benchmark »).

Cette comparaison est la vraie raison d’être de l’indicateur, qui ne peut être interprété en soi, sans élément de comparaison. De même, une prévision est, par nature, toujours fausse. Un écart entre la prévision et le réalisé n’est donc pas une erreur de prévision mais une information à analyser pour comprendre les causes et corriger les actions. On fera en sorte d’analyser ces indicateurs sur leur valeur passée mais, surtout, dans l’avenir grâce aux prévisions. Les prévisions permettront justement d’agir par anticipation pour les améliorer.

Il vaut mieux se concentrer sur peu d’indicateurs fiables et qui montrent dans quelle direction creuser plutôt que d’avoir une trop grande batterie d’indicateurs illisibles. Analyser les indicateurs sur leur valeur passée mais, surtout, dans l’avenir.

Chaque indicateur doit pouvoir être décomposé selon la dimension appropriée (CA par client, projet et offre, Taux affectation par seniorité, etc). Voici donc une liste d’indicateurs essentiels :

L’évaluation de la performance peut d’abord se placer au niveau du résultat d’entreprise :

  • Le chiffre d’affaires et les honoraires par client
  • La marge opérationnelle en valeur et pourcentage
  • La part des frais généraux et de la masse salariale dans les dépenses par rapport au chiffre d’affaires
  • Le résultat d’exploitation

En ce qui concerne la structure financière on regardera particulièrement :

  • Le niveau de trésorerie, encaissements en comparaison des dépenses mensuelles et des décaissements financiers à venir (remboursement d’emprunts, versement de dividendes)
  • Le niveau du crédit client par rapport au chiffre d’affaires, qui détermine le délai moyen de paiement et les risques d’impayés
  • La couverture du besoin en fonds de roulement pour apprécier la capacité à financer l’activité sur la durée

Pour ce qui est des indicateurs liés aux activités de prestations :

  • Le taux d’affectation sur les activités facturées, pour identifier le niveau d’activité, et sa traduction en nombre de jours disponibles (ou qui ne sont pas couverts compte tenu des perspectives commerciales). Il se situe normalement entre 75% et 85% pour les équipes opérationnelles, et vers les 60% au global.
  • La rentabilité individuelle qui compare le revenu par personne et les coûts salariaux chargés.
  • La rentabilité des missions facturées au forfait et leur écart avec la rentabilité théorique compte tenu des TJM.
  • Le nombre de mois avant un taux d’affectation inférieur à 50% : il s’agit du critère de visibilité qui peut donner l’alerte sur un manque de perspectives s’il vient à diminuer fortement, ce qui réclame des actions commerciales d’urgence.

Bien d’autres indicateurs peuvent être mis en place pour suivre la performance des fonctions, selon la taille de l’organisation. Citons par exemple :

  • Commerce : taux de réussite dans les étapes du processus commercial (depuis l’identification jusqu’à la signature), CA et nombre de clients gagnés, clients perdus, ventes nouvelles offres aux clients existants (upsales), etc..
  • Ressources humaines : rotation du personnel, délais de recrutement, jours de formation, etc..
  • Marketing : coût marketing / CA, CA et nombre de leads générés par opération, nombre de visiteurs aux salons, événements, etc..
  • Prestations : retards de paiement, retards projet en jours selon la phase, satisfaction client, PV en retard, etc..
  • Support : délais moyens de réponse, taux de satisfaction, taux de résolution, etc..

Les solutions informatiques

tableau de bordCertains indicateurs sont directement accessibles par les logiciels qui gèrent les opérations, tels que les solutions comptables, les ERP, les CRM, etc. L’inconvénient est qu’il faut aller chercher dans chaque logiciel le bon rapport, qui n’a pas toujours les fonctions d’affichage et d’analyse requises, et qui ne présente pas toujours le bon indicateur ou la bonne référence.

Il existe des outils spécialisés qui rassemblent les données des autres logiciels, pour diffuser et prévoir les indicateurs. C’est le domaine des applications décisionnelles et de pilotage des performances (EPM) qui permettent d’aller chercher l’information dans les systèmes opérationnels, de les analyser (dans des rapports dynamiques ou sous forme de tableaux de bord graphiques) et de faire les prévisions de façon collaborative et automatisée. C’est le cas par exemple d’Adaptive Planning (Adaptive Insights).

Les récentes évolutions technologiques ont permis l’émergence de solutions faciles à utiliser et à faire évoluer.

Notamment certaines caractéristiques sont devenues incontournables :

  • L’accès en «  cloud  »  : l’accès se fait par internet, l’infrastructure est gérée par l’éditeur, ce qui élimine les obstacles techniques
  • Le stockage «  in-memory  »  : les données étant stockées en mémoire vive, l’accès est beaucoup plus rapide
  • La mobilité : il est possible d’y accéder via un smartphone, une tablette ou un ordinateur.
  • Le système intégré comprenant toutes les fonctionnalités de reporting et de prévision sans transfert de données
  • La facilité d’utilisation et d’administration par les opérationnels qui permet de réduire la dépendance à l’informatique interne ou aux prestataires.

Choisir une solution de pilotage de performance revient à évaluer chacune des fonctions de base (extraire, stocker, restituer, prévoir, partager, etc) et la facilité avec laquelle elles peuvent être mises en œuvre, utilisées et modifiées sans interventions d’experts.

La mise en oeuvre de solutions informatiques ne doit pas déplacer le problème vers les services informatiques. Elle doit offrir de meilleures prévisions et de meilleures analyses, sans pour autant alourdir le processus, rendre difficile toute évolution et faire perdre de la flexibilité.

Les outils de pilotage des performances ont pour vocation de donner de la visibilité sur les performances passées et à venir, pour le plus grand nombre d’utilisateurs et de la manière la plus claire et accessible possible. La combinaison entre l’étendue des fonctionnalités et la facilité d’usage est la véritable exigence à laquelle les éditeurs sont obligés aujourd’hui de répondre pour satisfaire leurs clients.

A quelle étape en êtes-vous ?

Sans pilotage, les risques sont notoires : mauvaise visibilité, manque d’optimisation des ressources, pas de partage des informations, décisions contradictoires à partir d’informations biaisées et non partagées, etc. Les vrais problèmes sont identifiés tardivement et les actions correctives interviennent plus tard que dans les entreprises ayant adopté une vraie logique de pilotage.

La mise en place du pilotage des performances passe ainsi par plusieurs étapes qui peuvent être menées progressivement, d’une meilleure utilisation des systèmes existants pour obtenir les indicateurs de performance financiers jusqu’à la mise en œuvre d’un outil spécialisé permettant d’obtenir en temps réel des tableaux de bord et des simulations.

Cette démarche couvre des périmètres croissants, tout d’abord l’activité productive (ressources et missions) puis le résultat dans son ensemble et enfin la trésorerie. Connaitre rapidement le niveau des indicateurs et agir à temps, tel doit être l’objectif premier du pilotage des performances et le bénéfice concret de toute entreprise qui la met en oeuvre.

Pour aller plus loin

> Piloter les performances : l’essentiel en 5 minutes
> Processus budgétaire : transformer un mal nécessaire en instrument de pilotage efficace

About the Author

Laurent Allais
Laurent ALLAIS est expert en solutions d'élaboration budgétaire, business intelligence et pilotage des performances (EPM - FP&A), avec plus de 25 ans d'expérience dans ce domaine. Il intervient dans la mise en oeuvre de Workday Adaptive Planning, leader mondial des solutions cloud EPM et Financial Planning & Analysis. Après avoir fondé Artens et dirigé l'activité SAP BI-EPM de Viséo, il fonde Alsight en 2012, premier spécialiste d'Adaptive Planning en France. Alsight a rejoint Génération Conseil en 2019 dont il a dirigé l'activité Adaptive Planning pendant 4 ans, avant de rejoindre comme associé la société Adapt1Solution, désormais première société de conseil française spécialisée sur Workday Adaptive Planning. Il est intervenu chez plus de 60 clients autour des projets BI et EPM (FP&A), dont Renault, PSA, AGF, Embraer, Airbus, UCPA, ClubMed, Mega International, Pernod-Ricard, Euronext, Infovista, Véolia, Lizéo, Elitechgroup, Roquette, Pimkie, Chanel, L'Oréal, etc... Contact : Laurent.allais@expandbi.com