Le PLF 2013 et la prévision en entreprise

plf_une_portailsDepuis plusieurs mois, la loi de finance rectificative de 2012, le projet de loi de finances 2013 (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ont donné bien du fil à retordre aux responsables de la prévision en entreprise. L’instabilité juridique et fiscale, qui produit à juste titre un sentiment d’insécurité incompatible avec la conduite des affaires, rend difficile toute décision aux conséquences dans le futur.

Compte tenu de la rétroactivité de certaines lois, cela rend tout aussi difficiles les choix économiques au conséquences à court terme. Ainsi, ces derniers temps, à chaque annonce du gouvernement, on a souvent entendu dans les bureaux des directions financières le même cri de dirigeants : « Quelles sont les conséquences pour nous !? » La liste des modifications possibles ou avérées sont légion. Parfois elles ont été votées, parfois elles disparaissent ou semblent devoir le faire. Voici quelques exemples :

  • L’augmentation du forfait fiscal de l’intéressement
  • L’augmentation du forfait fiscal des indemnités de rupture conventionnelle
  • Le plafond de la déductibilité des frais financiers
  • La modification de la limite du report en avant des déficits
  • Les modifications sur les acomptes d’impôt des sociétés
  • L’impôt sur les bénéfices : tranches, taxes exceptionnelles, taxes en cas de distribution de dividendes, etc…

Si l’on prend en compte également les impots sur les personnes physiques en lien avec l’entreprise, la liste des cas de figure à évaluer devient très longue (plus-values sur valeurs mobilières, imposition des stock-options, imposition des dividendes, heures supplémentaires refiscalisées, etc).

De surcroit, la complexité, l’étendue et la technicité de la fiscalité rend particulièrement difficile toute forme de prévision car il est nécessaire de comprendre en détail le projet de loi pour en calculer l’impact sur la société. Et le temps que cet impact soit valorisé, le projet peut avoir totalement changé. Les spécialistes de la fiscalité ne sont pas toujours d’un grand secours car s’il leur fallait connaitre tous les projets de loi possibles en détail il passeraient leur temps à lire des documents rapidement obsolètes. Ils ont donc pour la plupart la sagesse d’attendre qu’une loi soit effectivement votée pour en comprendre les conséquences et aider leurs clients à choisir. La bonne pratique qui consiste à anticiper pour prendre les meilleures décisions peut difficilement être mise en oeuvre.

C’est particulièrement handicapant au moment de construire le budget 2013. L’entreprise fonce à toute vitesse dans un tunnel sans savoir ce qu’il trouvera dans l’obscurité. Dans nos articles « Prévisions : comment mieux piloter l’entreprise dans un environnement instable ? » et « Événements improbables : bien décider dans l’urgence », nous mettions l’accent sur la nécessité de prévoir un processus d’adaptation rapide des règles de gestion de la prévision pour une prise de décision plus réactive. Il serait utile de calculer le temps consacré, depuis plusieurs mois, aux simulations en tous genres par les directions financières et celles des ressources humaines. Le résultat serait pourtant une goutte d’eau comparé au coût macro-économique de l’absence de décisions due au manque de visibilité juridique et fiscale.

Post Scriptum 9 novembre 2011 : le rapport Gallois sur la stabilité fiscale Le rapport Gallois « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » traite particulièrement de la problématique de la stabilité réglementaire : « Les chefs d’entreprises ont souvent le sentiment d’être « cloués au pilori » ; [..] Ils veulent qu’on leur fasse confiance. Il appartient à l’État de créer cette confiance. Elle constitue une partie essentielle du «climat» dont dépend la décision d’investir. Ils ont également besoin – ils le répètent chaque fois qu’on les interroge – de stabilité et de visibilité à long terme et plus globalement d’un «écosystème accueillant». » En conséquence, la première proposition faite au gouvernement est de ne pas modifier au moins 5 dispositifs : – Le crédit impôt recherche – Les dispositifs dits « Dutreil » favorisant la détention et les transmissions d’entreprises – La contribution économique territoriale (en particulier autour de la taxe professionnelle) – Les incitations « sociales » aux jeunes entreprises innovantes – Les dispositifs en faveur de l’investissement dans les PME, notamment l’IR PME et l’ISF PME Le but avoué est de restaurer la confiance pour favoriser l’investissement. L’intention est louable car chacun reconnait les difficultés dans ce domaine, même si la proposition ne va pas assez loin, en particulier sur la rétroactivité ou la remise en cause de règlements engageant l’entreprise sur plusieurs années. Les entreprises ne pourront effectivement constater la stabilité fiscale que dans quelques années. Elles ne commenceront à s’engager avec une bonne visibilité, que lorsque la confiance sera revenue, peu à peu, grâce à des exemples réels constatés au quotidien. Ces derniers mois ont été particulièrement déstabilisants de ce point de vue, et les récentes décisions ne peuvent effacer facilement ce sentiment. A titre d’exemple, dans le même rapport il est préconisé d’augmenter la TVA pour financer une réduction des coûts de main d’œuvre. Le gouvernement a décidé d’appliquer cette préconisation à compter de 2014, sous forme d’un crédit d’impôt sur les bénéfices. Or, l’augmentation de la TVA, déjà prévue sous le gouvernement précédent, a été annulée il y a peu, en proclamant que ce moyen ne serait jamais utilisé. En constatant de quelle manière la fiscalité et les engagements du gouvernement peuvent changer en quelques semaines, on peut donc rester dubitatif sur les engagements sur la fiscalité en 2014.

Autre exemple, le projet de modification de l’exit tax pour les entreprises (dispositif qui existe déjà mais qui n’est pas applicable) peut venir renforcer le sentiment que, même si ces 5 dispositifs ne sont pas modifiés, il existe toujours un risque de voir apparaitre de nouvelles taxes, de nouveaux obstacles à la prise de décision. En particulier, le renforcement de l’exit tax pour entreprise peut entraver la décision d’investir en France. Le confiance ne se décrète pas, mais à la lumière du rapport Gallois le gouvernement peut commencer à la restaurer en répondant à la question que se posent toutes les entreprises : « Quand cela va-t-il s’arrêter ? »

 

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Laurent Allais
Laurent ALLAIS est expert en solutions d'élaboration budgétaire, business intelligence et pilotage des performances (EPM - FP&A), avec plus de 25 ans d'expérience dans ce domaine. Il intervient dans la mise en oeuvre de Workday Adaptive Planning, leader mondial des solutions cloud EPM et Financial Planning & Analysis. Après avoir fondé Artens et dirigé l'activité SAP BI-EPM de Viséo, il fonde Alsight en 2012, premier spécialiste d'Adaptive Planning en France. Alsight a rejoint Génération Conseil en 2019 dont il a dirigé l'activité Adaptive Planning pendant 4 ans, avant de rejoindre comme associé la société Adapt1Solution, désormais première société de conseil française spécialisée sur Workday Adaptive Planning. Il est intervenu chez plus de 60 clients autour des projets BI et EPM (FP&A), dont Renault, PSA, AGF, Embraer, Airbus, UCPA, ClubMed, Mega International, Pernod-Ricard, Euronext, Infovista, Véolia, Lizéo, Elitechgroup, Roquette, Pimkie, Chanel, L'Oréal, etc... Contact : Laurent.allais@expandbi.com