Processus budgétaire : transformer un mal nécessaire en instrument de pilotage efficace.

Fotolia_53294312_XSLe processus budgétaire permet de fixer le cap, d’allouer les moyens et de déterminer les objectifs. Il est au cœur des activités de contrôle de gestion. Il doit donc être flexible et réactif, pourtant il est souvent complexe à mener. Il n’est pas rare qu’après plusieurs mois les résultats ne soient toujours pas disponibles. Qu’est-ce qui le rend si lent et si lourd ?

L’un des facteurs est que le budget tente de remplir de nombreuses fonctions en même temps, avec difficulté. Ce point est traité dans le blog « A quoi sert vraiment le budget ? ». Mais si l’on s’en tient à la définition habituelle du budget il existe tout de même des solutions pour l’optimiser.

Quatre grands principes sous-tendent l’efficacité de la gestion du processus budgétaire :
– la définition du degré de détail à prendre en considération
– le choix du modèle logique qui sera mis en place
– l’identification et l’élimination des tâches à faible valeur ajoutée
– l’anticipation des phases ultérieures

Ces quatre piliers, lorsqu’ils ne sont pas ou mal pris en compte, expliquent dans la très grande majorité des cas la lourdeur et l’inefficacité du processus budgétaire. Voici quelques conseils permettant de les rendre vertueux et d’en faire les conditions favorables à une gestion budgétaire performante.

1. Réduire le niveau de détail

Le niveau de détail nécessaire pour construire le budget est-il le même que celui du réalisé. Par exemple, faut-il prévoir les ventes pour chaque référence article ou calculer les charges salariales par personne, pour chaque poste de la fiche de paie selon les règles en vigueur ?

L’un des objectifs du processus budgétaire est de produire une vision chiffrée de l’avenir, c’est-à-dire de choisir la meilleure option sur la cible à atteindre et les moyens à mettre en œuvre. En se concentrant sur un niveau de détail très fin, on risque de perdre la flexibilité requise pour évaluer les différentes options. Si cela permet d’obtenir un résultat plus rapidement, avec une marge d’erreur acceptable, il est donc recommandé de réduire le niveau de précision.

Le changement des règles entre le budget et le réalisé diminue également la pertinence des prévisions à un niveau fin. Si l’on utilise des clés de répartition pour obtenir ce niveau de détail, l’analyse des écarts dus à ces clés prendra du temps sans apporter d’information utile. Le budget détaillé sera donc devenu sans signification, sauf à le reconstruire à partir des nouveaux paramètres, ou à isoler l’effet de chaque paramètre.

Pour accélérer le processus, on raisonnera plus globalement : par nature budgétaire (et non par compte), par groupe de produits (et non par article), par groupes d’employés, etc…

2. Construire un modèle logique complet

Le processus budgétaire n’est pas linéaire mais fait l’objet de plusieurs aller-retour entre les opérationnels, la finance et la direction générale. Le budget initial est souvent remanié en fonction de nouvelles hypothèses : création d’une activité, recrutement d’un commercial, lancement d’une gamme de produit, etc.

Une grande réactivité est alors nécessaire pour effectuer les choix ou éliminer les options. Or, cette réactivité est souvent difficile à obtenir. Par exemple, les taux de remise par client sont envoyés par e-mail au responsable commercial, qui les intègre dans un fichier Excel. Le résultat est envoyé au contrôleur de gestion qui le reprend dans son propre fichier. Et ainsi de suite.

Un modèle logique complet est un ensemble de formules mathématiques reliant les indicateurs de performances et les paramètres dont ils dépendent. Son absence rend la modification d’une hypothèse difficile à prendre en compte car elle requiert le travail de plusieurs personnes dans des échanges non formalisés. Ce qui peut, de surcroit, provoquer des erreurs.

Pour éviter ce biais, il est préférable de construire un modèle où la modification d’un seul élément permet de calculer tous les autres éléments. Par exemple, évaluer automatiquement les effets d’une modification d’un taux de remise prévisionnel par un commercial sur le chiffre d’affaires net.

Le modèle logique complet doit respecter les conditions de simplicité et de représentativité. Il doit être compréhensible et facile à maintenir. Seuls les paramètres les plus influents doivent y figurer comme des variables modifiables.

3. Eliminer les tâches à faible valeur ajoutée

Le processus budgétaire, malgré son importance dans le pilotage des performances, est l’un de ceux dont l’efficacité est la plus difficile à mesurer. De nombreuses tâches le ralentissent et créent autant de frustrations que d’erreurs.

La plupart de ces problèmes sont liés à l’utilisation de feuilles Excel. Outil incontournable pour un travail de bureautique individuel, il n’est cependant pas adapté à la conduite d’un processus collaboratif. Citons, par exemple, les tâches à faible valeur ajoutée suivantes :

– La recopie de données d’une feuille à l’autre
– La maintenance des feuilles, des formules de calcul et des liens
– La mise en page des états de reporting
– L’envoi, la réception et la gestion du flux de feuilles
– L’audit des formules pour comprendre l’origine des calculs

Un outil spécialisé peut remédier à ces problèmes, notamment grâce à l’existence d’une base de données partagée et sécurisée, et à la production automatique des états de reporting.

Cependant, il faut prendre garde à ne pas simplement déplacer le problème et perdre en flexibilité ce que l’on gagne en rigueur. Si l’on utilise un outil spécialisé, il existe aussi des tâches consommatrices de temps et qui n’apparaissent pas toujours de manière évidente. Citons par exemple :

– La rédaction des cahiers des charges pour la mise en œuvre et les évolutions
– La conception de l’outil et les tests de conformité
– La réalisation des évolutions par le service informatique ou des experts externes
– L’administration fonctionnelle de l’outil (chargement du réalisé, gestion des versions, etc.)
– L’administration technique (installation du serveur et des postes, mises à jour, sauvegardes, performances, support aux utilisateurs, etc.)

D’autres causes peuvent ralentir le processus budgétaire malgré la présence d’un outil spécialisé : l’absence de temps-réel dans les calculs, le manque d’autonomie de la direction financière dans son exploitation, etc.

Eliminer les tâches à faible valeur ajoutée, c’est d’abord les identifier puis évaluer l’apport d’un outil spécialisé en tenant compte de son coût global à court et long termes.

4. Anticiper les phases ultérieures

Le budget est le fruit de multiples échanges et de multiples itérations. Sa vie continue après sa validation officielle. Il sera tout d’abord comparé au réalisé lors des analyses d’écart, comme référence incontournable. Puis il sera utilisé dans la construction des re-prévisions, qui serviront à leur tour de base de comparaison. La dernière re-prévision de l’année sera utile pour construire le budget de l’année suivante.

Si le budget initial n’a pas été bâti en anticipant les phases ultérieures, les analyses et les re-prévisions seront plus lourdes et plus difficiles à conduire. En particulier, les problèmes suivants ont des conséquences durables :

– L’auteur de l’information n’est pas tracé ou il est impossible de connaître son origine
– Les hypothèses de calcul d’un montant ne sont pas accessibles
– Le budget a été construit sur un niveau de détail trop fin qui n’est plus pertinent
– Le budget a été construit sur un niveau de détail non compatible avec le réalisé, ce qui empêche une comparaison fiable
– Le budget a été construit sur un modèle logique différent de la ré-prévision

Anticiper les phases ultérieures consiste à prévoir la façon dont le réalisé sera comparé avec le budget et comment les re-prévisions seront construites. Cela revient aussi à considérer en amont la façon de piloter les performances : indicateurs, niveau de détail, bases de référence, outil spécialisé.

Les différentes causes de perte de temps décrites ci-dessus se combinent entre elles. Les tâches à faible valeur ajoutée consommant l’essentiel du temps, on est amené à sacrifier ce qui peut paraitre moins utile dans l’immédiat, mais qui se révélera indispensable par la suite : les hypothèses, la traçabilité et l’origine des données. On prend le risque de passer l’année entière à comparer le réalisé avec une référence impossible à justifier.

En appliquant ces quatre principes, on permet au budget de remplir son rôle : être d’abord un outil pour construire une vision à moyen terme, puis une référence pour juger les performances au cours de l’année. Le temps de construction réduit, la direction financière peut se consacrer davantage à l’analyse et à la prévision, et ainsi amplifier sa contribution au développement des activités de l’entreprise.

 

About the Author

Laurent Allais
Laurent ALLAIS est expert en solutions d'élaboration budgétaire, business intelligence et pilotage des performances (EPM - FP&A), avec plus de 25 ans d'expérience dans ce domaine. Il intervient dans la mise en oeuvre de Workday Adaptive Planning, leader mondial des solutions cloud EPM et Financial Planning & Analysis. Après avoir fondé Artens et dirigé l'activité SAP BI-EPM de Viséo, il fonde Alsight en 2012, premier spécialiste d'Adaptive Planning en France. Alsight a rejoint Génération Conseil en 2019 dont il a dirigé l'activité Adaptive Planning pendant 4 ans, avant de rejoindre comme associé la société Adapt1Solution, désormais première société de conseil française spécialisée sur Workday Adaptive Planning. Il est intervenu chez plus de 60 clients autour des projets BI et EPM (FP&A), dont Renault, PSA, AGF, Embraer, Airbus, UCPA, ClubMed, Mega International, Pernod-Ricard, Euronext, Infovista, Véolia, Lizéo, Elitechgroup, Roquette, Pimkie, Chanel, L'Oréal, etc... Contact : Laurent.allais@expandbi.com